Le réseau veineux pelvien, avec sa constitution riche et complexe, est un sujet médical souvent négligé, pourtant essentiel à la compréhension de certaines douleurs ressenties par les femmes. Trois axes veineux principaux composent ce réseau : les veines profondes ilio-fémorales et cave, les veines hypogastriques ou iliaques internes et les veines ovariennes. Ce sont ces dernières qui, lorsqu’elles se dilatent, donnent naissance aux varices pelviennes, similaires en morphologie aux varices des membres inférieurs, localisées autour des organes génitaux féminins. Les femmes, notamment celles ayant vécu plusieurs grossesses, sont susceptibles de développer ce type de varices. Ainsi, ces pathologies peuvent se manifester sous forme de varices vulvaires, varices pelviennes, varices vaginales, varices périnéales, pour n’en nommer que quelques-unes. Il s’agit de conditions qui, bien que courantes, restent méconnues et parfois mal diagnostiquées. Les symptômes varient, allant de simples inconforts à des douleurs invalidantes comme celles décrites dans le syndrome de congestion pelvienne. Le Professeur Bouayed Mohamed Nadjib, spécialiste en chirurgie vasculaire et endovasculaire, nous éclaire sur cette problématique, en détaillant l’anatomie, les symptômes, les causes, les diagnostics et les traitements associés à ces varices.
varice vaginale
Le réseau veineux pelvien est complexe. Il est constitué de 3 axes veineux largement anastomosés entre eux :les veines profondes ilio-fémorales et cave,les veines hypogastriques ou iliaques internes et les veines ovariennes.
Les varices pelviennes(VP) sont des dilatations des veines de la région basse de l’abdomen, appelée pelvis. Elles sont semblables morphologiquement aux varices des membres inférieurs. Elles sont retrouvées autour des organe génitaux de la femme (ovaires,trompes et utérus). L’hyper pression qui règne dans ces veines tortueuses, de gros calibre,ovariques et utérines ,peut être à l’origine de l’apparition de varices vaginales et vulvaires .Les reflux sanguins dans les VP peuvent traverser les veines périnéales(celles du petit bassin) et vulvaires .
Ces dernières se connecteront alors avec des veines des membres inférieurs qui elles ,aussi, deviendront variqueuses. Environ 10% des varices des membres inférieurs de la femme sont secondaires aux VP .
Ces varices pelvis-vaginales touchent les femmes en âge de procréer, ayant entre 20 et 45 ans, surtout celles qui ont eu plus de 2 voire plusieurs grossesses. En effet, il se produit une compression itérative des veines pelviennes à chaque grossesse, par l’utérus gravide.
QUELS SONT LES SYMPTÔMES DES VARICES PELVI-VAGINALES(VPV)?
Un grand nombre de femmes qui ont des VP ne se plaignent de rien et sont donc asymptomatiques. D’autres, en revanche, peuvent souffrir d’intenses douleurs.
Environ 30 % des femmes avec des douleurs du bas ventre non étiquetées, ont des varices pelviennes. Cette douleur est liée à l’engorgement et à l’accumulation de sang dans ces varices pelviennes et vaginales qui deviennent « lourdes ». C’est la définition même du syndrome de congestion veineuse pelvienne (SCP) Cette douleur du bas ventre peut parfois être aigue, paroxystique et lancinante. Elle peut, au contraire, devenir chronique,permanente,sourde,à type de pesanteur.
Cette douleur pelvienne est exacerbée par la position debout ou assise prolongée et dont l’intensité s’atténue en position couchée,allongée.Il est admis,en principe, que le diagnostic de SCP ne soit retenu que lorsque la douleur pelvienne dure plus de 6 mois. Cette douleur peut à la longue devenir invalidante surtout en fin de journée et durant la période des règles(dysménorrhées). La douleur peut irradier aux lombes donnant des lombalgies et aussi aux racines des cuisses. L’examen gynécologique est normal en dehors de douleurs ovariennes provoquées par la palpation.
Les VPV symptomatiques sont aussi à l’origine de douleur pendant ou juste après un rapport sexuel(dyspareunie). D’ailleurs“ L’association d’une douleur ovarienne à la palpation, reproduisant la douleur pelvienne, et de dyspareunies est sensible (94%) et spécifique (77 %) d’un syndrome de congestion pelvienne chronique ( Beard RW Br J Obstet Gynaecol. 1988).
La dyspareunie est parfois tellement sévère qu’elle entraine une frigidité. Des pertes vaginales claires, aqueuses et une certaine nervosité peuvent s’associées aux douleurs pelviennes. Des symptômes urinaires peuvent être signalés tels une envie impérieuse d’uriner ou une difficulté douloureuse d’uriner
QUELLES SONT LES CAUSES DES VARICES PELVI-VAGINALES ?
En dehors du nombre de grossesses, cause la plus fréquente, ces varices peuvent être due à des perturbations hormonales comme une hypersécrétion d’œstrogènes. Des causes compressives veineuses sont parfois à l’origine des VPV comme la compression de la veine rénale gauche, siège de la convergence de la veine ovarienne gauche,dans la pince aorto-mésentérique(Nutcracker syndrome) ou la compression de la veine iliaque commune gauche entre l’artère iliaque commune droite en avant la 5ème vertèbre lombaire en arrière(May Turner Syndrome).Une infection pelvienne et des compressions veineuses par des tumeurs entrainent, elles aussi, une dilatation des VP.
Photo 1 : Schématisation de la région pelvienne
COMMENT DIAGNOSTIQUER LE SYNDROME DE CONGESTION PELVIENNE ?
Une échographie-doppler pelvienne, périnéale et trans-vaginale confirme le diagnostic de VPV.L’examen est ,en principe, réalisé en position debout en utilisant la manœuvre de Valsalva. Les veines pelviennes dilatées ont des diamètres de plus de 5 mm.Une IRM,une plébo-IRM ou un phléboscanner sont nécessaires pour la quantification de l’importance des VPV mais surtout, leurs intérêts, est d’ éliminer une autre cause qui peut être à l’origine de ces douleurs chroniques dont l’endométriose ( prolifération de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine),l’adénomyose (infiltration du muscle utérin par des cellules de la muqueuse utérine ou endomètre).
L’IRM permet aussi d’éliminer le syndrome de Master et Allen(mobilité anormale de l’utérus secondaire à une rupture post-traumatique des ligaments utérins) et des causes digestives.
Il est important aussi d’éliminer cliniquement la névralgie du syndrome du nerf pudendal ou névralgie d’Alcock. Le diagnostic de SCP ne sera retenu que lorsque toutes les autres causes pouvant donner des douleurs pelviennes et périnéales, seront éliminées et qu’il ne restera, comme origine, que les VPV.
COMMENT TRAITER LES VPV SYMPTOMATIQUES ?
Les varices vulvaires et périnéales peu sévères et peu symptomatiques se traitent efficacement par sclérothérapie. Les varices vulvaires et périnéales peu sévères et peu symptomatiques se traitent efficacement par sclérothérapie Le SCP sera traité initialement par des anti-inflammatoires non stéroïdiens(AINS).
Il est possible de leur associer ,dans certains cas , des doses assez importantes de médroxyprogestérone . Si le traitement médical s’avère inefficace, et à condition que la douleur pelvienne demeurant handicapante, dure plus de 6 mois , une embolisation et /ou une sclérothérapie à la mousse peuvent être indiquées. L’embolisation est une procédure endovasculaire généralement réalisée en ambulatoire. Elle consiste, dans une salle de cathétérisme, à ponctionner les veines fémorales ,aux aines, à travers lesquelles sont insérés des cathéters qui permettront une opacification de toutes les veines pelviennes par l’injection d’un produit iodé de contraste(phlébographie pelvienne sélective).
Cette phlébographie permettra de confirmer le diagnostic et de préciser tous les points de reflux. Les varices seront ensuite obstruées par le largage à travers le cathéter de petits ressorts métalliques(coils)ou d’une colle biologique.Il peut être nécessaire parfois de parfaire le geste par l’injection d’un produit sclérosant mousseux. Les varices pelvi-vaginales peuvent être à l’origine de sévères douleurs traduisant le syndrome de congestion pelvienne. Un traitement médical est souvent suffisant pour atténuer les phénomènes douloureux. Si ces derniers ne cèdent pas au bout de 6 mois et si aucune autre cause n’est retrouvée pour les expliquer,un acte d’embolisation et d’occlusion des varices sera justifié.
Photo 2 : Varices vaginales détectées à l’échographie-doppler

QUE CONCLURE ?
Le système veineux pelvien, bien que moins connu du grand public, est au cœur de multiples symptômes, douleurs et inconforts chez la femme, particulièrement en ce qui concerne les varices pelviennes. Ces dernières, qui peuvent se traduire par des varices vulvaires, pelviennes ou vaginales, touchent une partie non négligeable de la population féminine. Il est donc impératif d’en reconnaître les symptômes et d’opter pour une prise en charge adéquate. Grâce à des professionnels dédiés comme le Professeur Bouayed Mohamed Nadjib, les avancées médicales permettent aujourd’hui de mieux comprendre, diagnostiquer et traiter ces affections. En conclusion, une meilleure sensibilisation et éducation sur ces sujets permettraient d’améliorer la qualité de vie de nombreuses femmes et de limiter les répercussions de ces pathologies sur leur quotidien.
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- Professeur Bouayed Mohamed Nadjib, spécialiste en chirurgie vasculaire et endovasculaire, médecine vasculaire et échodoppler.
-Professeur en chirurgie vasculaire-Ancien Chef de service de chirurgie vasculaire Etablissement Hospitalo- Universitaire Oran Algérie-Membre de l’Académie Française de Chirurgie-Président de l’Association de Chirurgie Vasculaire d’Oran (ACVO)